– J’ai peur de m’endormir. J’ai peur de ce qu’il adviendra d’elle quand nous ne serons plus là. Qui lui donnera ses médicaments ? Qui la prendra dans ses bras ?
Dans la voix de Latifa tremble la peur qui l’accompagne chaque jour et chaque nuit. Une peur que tout parent connaît, mais qui, pour elle et son mari Georges, prend une dimension absolue. Ils regardent leur fille de 50 ans, Rania, et voient en elle la petite fille dont l’avenir a été volé en un instant.
Rania était une enfant pleine de vie, d’une grande vivacité d’esprit, déjà brillante à la maternelle. Tout a basculé quand elle avait 6 ans. Lors d’une opération, une erreur de l’anesthésiste a endommagé son cerveau à jamais. Un seul instant a tout détruit. Aujourd’hui, Rania est totalement dépendante de ses parents vieillissants. Elle ne quitte jamais la maison et a besoin chaque jour de 15 médicaments différents pour survivre.
Pour Georges, elle est son « petit trésor ». Pour Latifa – la raison de se lever chaque matin, malgré le fait que sa propre santé décline dramatiquement. La liste de médicaments qu’elle doit elle-même prendre dépasse déjà 20 noms. Dans cette maison, la maladie et l’amour mènent une lutte incessante contre le temps.
– Le docteur Harouny est comme un frère pour nous. Sans l’aide qu’il nous apporte, ce serait terriblement difficile – confie Georges. Ce soutien est une bouée de sauvetage qui leur permet de rester à flot.
Notre dernière visite en a été une preuve. Nous avons apporté à Rania ses médicaments – contre l’hypertension, le diabète, ainsi que ceux psychiatriques qui lui permettent de fonctionner. Mais en voyant l’épuisement de Latifa, nous savons qu’il faut aller plus loin. Désormais, notre suivi médical inclut non seulement la fille, mais aussi la mère.
Adopter cette famille, c’est bien plus qu’une aide matérielle. C’est une promesse faite à deux parents aimants et malades qu’ils ne sont pas seuls dans leur combat. Que même lorsque leurs forces viendront à manquer, quelqu’un prendra soin de leur trésor le plus précieux.